La vision echOpen : « L’échographe ultraportable va devenir aussi indispensable que le stéthoscope »
Rendre l’imagerie médicale accessible à tous les soignants, au chevet du patient : c’est l’ambition d’une start-up incubée à l’AP-HP, echOpen. Son co-fondateur, le Dr Mehdi Benchoufi, évoque la révolution du diagnostic médical permise par l’échographie ultra-portable. Un nouvel enjeu de formation pour les médecins généralistes, notamment.
Quelle est la plus-value de l’intégration de l’imagerie dans le soin primaire ?
L’enjeu est l’accès à l’imagerie dite d’orientation diagnostique, de première intention. Dans le monde, les deux tiers de l’humanité n’y ont pas accès du tout. Pour tous les autres, cet examen est possible en milieu hospitalier ou en structure de radiologie, mais pas au chevet du patient. Notre ambition est de généraliser l’accès à l’imagerie à l’ensemble des populations, dans tous les territoires, grâce à l’échographie ultraportable. L’abréviation POCUS (Point-Of-Care Ultrasound, en français échographie au point de service) fait référence à la pratique de professionnels de la santé formés utilisant l'échographie pour diagnostiquer les patients n'importe où, que ce soit dans des hôpitaux modernes, des ambulances ou des villages reculés.
En l’intégrant à l’examen clinique, l’échographe deviendrait le stéthoscope du 21e siècle. Cela a un impact considérable sur la suite de la prise en charge du patient. Notre revue systématique de la littérature, comprenant les travaux pionniers d’un Français, Daniel Lichtenstein, montre que 49,4 % des diagnostics sont redressés après une échographie clinique, et que le traitement est modifié dans 26,5% des cas (source : British Medical Journal).
Pouvez-vous donner des exemples d’usage concrets pour le médecin généraliste ?
Voici deux exemples d’usages courants. Chez un patient qui tousse, qui a une douleur au thorax ou une dyspnée, l’échographie pulmonaire est facile à réaliser et permet de reconnaître de façon simple des signes d’infection pulmonaire. Le médecin généraliste peut immédiatement infirmer ou affirmer son hypothèse diagnostique. La Société de Pneumologie de langue française s’intéresse d’ailleurs de très près à l’échographie en première intention pour le diagnostic de la pneumopathie infectieuse. Autre exemple, face à une douleur lombaire, l’échographie portable peut formellement éliminer un calcul urinaire.
Qu’en est-il de la formation des professionnels de santé à l’échographie clinique ?
Les Etats-Unis, où tous les étudiants en médecine sont formés à l’intégration de l’échographie dans la pratique clinique, sont en avance. En France, un cours commencera en septembre 2024 pour des externes à Paris. C’est un vrai tournant dans la façon d’enseigner la sémiologie. L’enjeu est bien sûr de développer cette formation dès l’externat partout en France, ainsi que dans le cursus de médecine générale.
Pour les médecins en exercice, il existe des DU et des formations privées permettant de se former aux fondamentaux de l’échographie clinique portable. Nous allons participer à ce grand effort de formation via la plateforme Invivox, en créant des contenus de sensibilisation aux enjeux de l’échographie clinique.
Chez echOpen, nous travaillons par ailleurs au développement de solutions d’intelligence artificielle permettant de simplifier l’acquisition du geste par le professionnel utilisateur…
L’acte d’échographie clinique existe-t-il déjà dans la nomenclature des actes médicaux ?
Oui, l'acte de l'échographie transcutanée au lit du malade existe déjà. C’est le rôle des organisations professionnelles de faire reconnaître ces nouvelles pratiques auprès de l’Assurance maladie, à l’image de l’ECG qui s’est démocratisé en médecine générale.
Que pouvez-vous nous dire de l’échographe echOpen que vous avez développé ?
Il a été incubé à l’AP-HP à partir de 2015, au sein d’un fab lab de l’hôpital Hôtel-Dieu. Avec la conviction que l’échographie clinique en première intention doit être accessible au plus grand nombre de patients, et pas chère. Nous avons donc conçu une sonde d’échographie ultraportable personnelle, à un coût permettant à chaque médecin de s’équiper.
En vue de l’industrialisation de l’outil, notre partenariat a été élargi à Altran, devenu Capgemini Engineering, puis en 2021 nous avons créé l’entreprise et l’AP-HP est entrée à son capital. Le soutien d’experts médicaux et en biophysique des ultrasons nous a permis de bien paramétrer l’usage pour des échographies généralistes effectuées par des urgentistes, des internistes, des médecins généralistes. L’idée est d’ajouter un coup d'écho aussi simplement que le stéthoscope ! Notre échographe est désormais certifié CE.*
Cette année, les sondes d’échographie echOpen O1 sont notamment utilisées à l’AP-HP dans le cadre d’une phase de pré-déploiement permettant d’en apprécier tous les impacts. Nous portons aussi le projet Echo 93, sélectionné et financé par l’Agence régionale de santé Ile-de-France, afin d’améliorer le parcours de soin ville-hôpital en permettant la réalisation d’un premier diagnostic d’imagerie lors d’examens cliniques généralistes à l’hôpital Jean-Verdier (Bondy), dans des maisons de santé pluriprofessionnelles et dans des bus itinérants à la rencontre de populations défavorisées.
*indique qu'un produit a été évalué par le fabricant et qu'il a été jugé conforme aux exigences de l'UE en matière de sécurité, de santé et de protection de l'environnement.